Qui sont-ils ces êtres hébétés recouverts de plâtre ? Ils marchent dos courbé, tête baissée, comme abattus. Pourtant leurs corps bougent encore. Beckett, dont l’écriture est ancrée dans les années noires de la deuxième moitié du 20e siècle, a « retourné » Maguy Marin lorsqu’elle l’a découvert dans les années 70.

L’écrivain francophone irlandais a le talent de faire poindre l’humanité au milieu du chaos. La chorégraphe aussi, comme lorsqu’elle fait surgir la joie d’un anniversaire pour se délester un instant des rythmes endiablés du carnaval. Une pauvre humanité se traîne et se déchire en avançant inexorablement. Des onomatopées et des bouts de mots se frayent un chemin comme si le langage était un corps.

Les farandoles, si propres à Maguy Marin, se déploient. La grande technicité de May B n’a d’égale que la force qui s’en dégage. Créée pour dix interprètes, construite en opposition aux normes imposées, et parmi elles en miroir, celles de la danse classique, May B est devenu une référence de la danse contemporaine. C’est aussi la matrice de toute son œuvre à venir. Un acte obstiné pour ne pas éteindre le feu tant qu’une flammèche est encore incandescente, fût-ce dans un épais tas de cendres.