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Barocco
Quel est le point commun entre les étudiants en révolte de Mai 68 à Paris, Valerie Solanas qui tire le 3 juin sur Andy Warhol à New York et Jan Palach qui s’immole par le feu en janvier 1969 à Prague ? Un même cri de révolte. Chacun, à sa manière, se soulève par un geste radical contre l’ordre établi.
Kirill Serebrennikov tisse entre ces figures un fil invisible, les liant les uns aux autres par la force de la musique baroque. Car, en son temps, elle aussi fut un choc artistique et renversa les normes.
De Bach à Haendel, Serebrennikov pioche parmi les grandes arias pour célébrer ceux qui osent contester le système, naviguant avec audace d’une époque à l’autre. Tout comme les artistes baroques, le metteur en scène russe cultive la démesure, l’émotion et les contrastes. Il offre un spectacle total et extravagant, où se côtoient le beau et le kitsch, la douleur et le désir, le rire et le désespoir, la rage de vivre et la mort.
A l’image d’un pianiste qui joue d’une seule main, l’autre menottée à celle d’un officier sans visage, la figure de l’artiste comme instrument de résistance traverse tout le spectacle. Même entravé et en proie au doute, il lutte pour faire entendre sa vision et hurle la beauté du monde. L’image du feu, comme un fil rouge, rappelle tout autant le sacrifice et la violence que l’intense flamme qui couve. Et laisse entrevoir la possibilité d’un avenir heureux.