L’Amante anglaise
Un homme et une femme, Pierre et Claire Lannes, répondent tour à tour aux questions de L’Interrogateur. Dès le début, Claire Lannes reconnaît avoir assassiné Marie-Thérèse Bousquet, une cousine sourde et muette qui était aussi leur femme de ménage et cuisinière, et avoir découpé en morceaux puis disséminé son corps. Pierre Lannes, qui vit pourtant sous le même toit, n’a rien vu. Marguerite Duras s’est inspirée d’un fait divers pour écrire L’Amante anglaise, mais ce qui l’intéresse réellement derrière l’affaire criminelle, et ce qui anime le geste de mise en scène d’Émilie Charriot, c’est le mystère insondable, métaphysique, de ces étranges figures. Pourquoi Claire Lannes a-t-elle tué ? Dominique Reymond incarne cette femme qui se tient “de l’autre côté du monde”, au-delà de tout jugement moral. Nicolas Bouchaud et Laurent Poitrenaux complètent l’insaisissable trio, pour lequel les questions semblent créer des décalages troublants, ouvrir des silences, plutôt que d’appeler des réponses. Avec cette pièce dont Duras précise qu’elle doit être représentée “sans décors ni costumes”, Émilie Charriot creuse le sillon d’un théâtre centré sur la parole. L’irréductible opacité du texte, sa langue faussement simple, sa poésie quotidienne, font appel à l’imagination du spectateur, et c’est dans notre esprit que les images prennent forme. L’espace, dépouillé, est d’abord construit par la lumière. Et les acteurs semblent à nu, dans un jeu intense, paradoxal, entre clarté et obscurité.